Du VIIe au XIXe siècle, 43 rois et 32 reines furent inhumés dans la basilique de Saint-Denis et plus de 70 gisants et tombeaux du XIIIe au XVIe siècle s’y trouvent encore. Au XVIIIe la puissance de l’abbaye de Saint-Denis avait déjà décru depuis deux siècles environ, mais les souverains la visitaient encore au moment des funérailles grandioses. Marie-Antoinette y vint au moins pour celles de Louis XV, alors qu’elle n’a pas 20 ans.
Les rois Bourbons furent tous inhumés dans un caveau de la crypte le caveau des Bourbons dans des cercueils de plomb recouverts de bois et posés sur des tréteaux de fer, mais sans aucune représentation sculptée. Seuls Louis XVI et Marie-Antoinette ont aujourd’hui deux somptueux priants de marbre blanc commandés à la Restauration par Louis XVIII, frère de Louis XVI, en 1815.
Hubert Robert, La violation des caveaux des rois dans la basilique Saint-Denis, en octobre 1793, vers 1793. Peinture, huile sur toile ©RMN-Grand Palais, musée Carnavalet/Agence Bulloz
Quelques mois après la mort de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793, et pendant la détention de Marie-Antoinette à la Conciergerie, la Convention ordonne, afin de commémorer le premier anniversaire de la chute de la royauté le 10 août 1792, de démanteler les tombeaux de Saint-Denis, ce qui est partiellement réalisé du 10 août au 25 octobre 1793.
De retour sur le trône en avril 1814, Louis XVIII décide de réaffecter la basilique à l’inhumation des souverains Bourbons. Il supprime alors le caveau que Napoléon avait fait installer pour sa sépulture dans la crypte.
Ces travaux précèdent une grandiose cérémonie funèbre, organisée le 21 janvier 1815, date anniversaire de l’exécution du dernier monarque, au cours de laquelle, on installe dans la crypte les cendres de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Des fouilles ont été ordonnées dans l’ancien cimetière de la Madeleine à Paris que son propriétaire, Pierre Louis Desclozeaux, avait cédé à Louis XVIII : ce dernier avait planté des arbres pour garder la mémoire de leur emplacement. C’est à cet emplacement que fut ensuite construite une chapelle commémorative, connue sous le nom de Chapelle expiatoire, conçue par l’architecte Pierre-François Léonard Fontaine avec l’aide de Louis-Hippolyte Lebas.
Jacques-Ignace Hittorff (1792-1867), Tenture de la façade de Saint-Denis pour la commémoration de la mort de Louis XVI et Marie-Antoinette, le 21 janvier 1817, 1817. Crayon et aquarelle. © Cologne, Wallraf-Richartz-Museum et Fondation Corboud.
Quatre figures allégoriques représentant des vertus y étaient disposées avec les armes de France. Devant les portails d’entrée, une pyramide portant la couronne de France était flanquée de deux colonnes portant des urnes cinéraires.
Le choix de ce décor renvoyait à la symbolique funéraire de la pyramide égyptienne, mais aussi au vocabulaire maçonnique en usage dans les loges, par les deux colonnes, signes des deux colonnes d’airain que Salomon avait fait installées de part et d’autre de l’entrée du Temple afin de marquer le passage de l’espace profane à l’espace sacré. Il n’est pas certain que l’ensemble fut totalement réalisé de cette manière le jour de la cérémonie, mais le décor et la cérémonie furent néanmoins d’une ampleur exceptionnelle.
Jean-Démosthène Dugourc, Arrivée devant l’abbaye royale de Saint-Denis du cortège funèbre de la translation des restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette le 21 janvier 1815. Dessin à la plume. ©RMN-Grand Palais-château de Versailles/Gérard Blot
Un char funèbre, attelé de huit chevaux, symbole de la monarchie, transportait depuis Paris les cendres royales. Elles étaient installées dans un sarcophage peint en faux marbre sur lequel se trouvait le manteau royal surmonté d’un dais portant la couronne de France.
Jean-Démosthène Dugourc, Service anniversaire du 21 janvier 1816 à la mémoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Dessin, lavis. ©RMN-Grand Palais, château de Versailles/Franck Raux
Bélanger avait également créé l’aménagement intérieur de l’église : il nous est connu par un dessin de Dugourc. Les murs étaient tendus de tissu noir jusqu’au niveau de la première galerie haute, le triforium, des blasons et des palmettes en argent était disposés sur la tenture. Un gigantesque arc triomphal de style gothique était disposé à l’entrée du chœur de la basilique et une grande tenture surmontée de la couronne royale pendait de la voûte au-dessus du sarcophage. Enfin deux grandes torchères, quatre couronnes de cuivre, et de multiples chandeliers achevaient la décoration.
Les deux cercueils avaient été disposés sur le catafalque. Les tribunes latérales étaient occupées par les princes du sang, la famille royale et la cour. Les grands dignitaires, les membres de la chambre des pairs, les maréchaux de France et les ministres étaient placés dans des stalles dans la nef. Dans le chœur, auquel on accédait par huit marches de marbre noir, les musiciens étaient installés côté nord et le clergé côté sud.
Le protocole était fort complexe et la cérémonie très longue. L’homélie avait duré trois quarts d’heure. La famille royale était au complet : Monsieur, futur Charles X, le duc d’Angoulême, son fils aîné, le duc de Berry, son second fils, le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe, le prince de Condé, duc de Bourbon, seigneur de Chantilly.
Deux ans plus tard, Louis XVIII ordonna la recherche des ossements royaux qui, après la profanation des sépultures d’octobre 1793, avaient été jetés dans deux fosses communes dans l’ancien cimetière situé au nord de la basilique. Bien que l’on fît appel au même entrepreneur qu’en 1793, M. Scellier, il semble que l’on retrouva les cendres royales avec difficultés.
François-Joseph Heim, Transfert des cendres de la famille royale à l’église de Saint-Denis le 18 janvier 1817. Peinture, huile sur toile. ©Collection musée du Domaine départementale de Sceaux/Pascal Lemaître.
François Debret, l’architecte restaurateur de la basilique de 1813 à 1846, croqua la scène ce qui permit au peintre Heim de réaliser une des immenses toiles qui orne aujourd’hui encore la sacristie commandée par Napoléon en 1806. On y voit une procession, éclairée par des torches, qui se dirige vers le portail nord de la basilique alors qu’on aperçoit la lune derrière la flèche du monument. Une dizaine de cercueils frappés aux armes de France, bourrés d’ossements, prirent place dans un ossuaire de la crypte derrière de grandes plaques de marbre où sont gravés les noms de tous les souverains ensevelis dans la nécropole depuis Dagobert. Depuis, en application d’une ordonnance de Louis XVIII, chaque 21 janvier et 16 octobre a lieu une messe dite « du bout de l’an », à la mémoire des souverains décapités.
Le 24 avril 1816, Louis XVIII ordonne le réaménagement de la basilique royale. Un des projets concerne l’installation d’une chapelle expiatoire au nord de l’édifice dont on conserve le projet grâce à un beau dessin de François Debret. On y voit les deux statues priants de Louis XVI et Marie Antoinette, aujourd’hui encore en place dans le monument, mais du côté Sud.
François Debret, Projet pour la chapelle Saint Louis, Dessin, aquarelle. ©RMN-Grand Palais, musée du Louvre/Michèle Bellot
Les deux priants appartiennent à une même commande, mais sont confiés à deux sculpteurs : Pierre Petitot pour la reine et Edme Gaulle pour le roi. Le premier termine son œuvre en 1819 et le second l’achèvera au prix de nombreuses difficultés seulement en 1831 du fait des nombreuses critiques qui lui sont adressées. Les deux petits modèles sont présentés au salon de 1817, mais le secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts relève que les artistes ont besoin de conseils… Il indique que la destination de ces œuvres dans « un temple qui excite la curiosité des nationaux et des étrangers » exige qu’elles soient de grandes qualités, ressemblantes, et qu’elles expriment la noblesse.
La statue priant du roi ne sera achevée qu’après la révolution de 1830, aussi sera-t-elle directement reléguée dans les dépôts attenants à la basilique, où rapidement celle de la reine la rejoindra. Au cours des XIXe et XXe siècles, les priants de Louis XVI et Marie-Antoinette seront déplacés à plusieurs reprises de la crypte vers l’église haute, avant d’être remontés en 1975 vers l’actuelle chapelle Saint-Louis, dans une disposition nouvelle puisqu’elles se trouvent dorénavant réunies sur un socle commun.
Pierre Petitot, Marie-Antoinette d’Autriche, 1831, Marbre ©CMN/Pascal Lemaître
Le roi est représenté les mains jointes en tenue de sacre alors que la reine dans un mouvement d’adoration porte une tenue de cour conforme à la mode des années où la sculpture est réalisée. Sur les prie-Dieu placés devant le roi, on trouve le testament de Louis XVI et sur celui de la reine la dernière lettre à Madame Elisabeth.
Par cette commande de priants, Louis XVIII renouait avec la grande tradition des monuments sculptés de Saint-Denis dont le dernier exemple monumental était celui d’Henri II et Catherine de Médicis.